C'est en vain que des Ternes à Belleville, tout le long des boulevards extérieurs, on eût cherché un café mieux achalandé et d'un meilleur renom que le café de Périclès.
Les plus fameux estaminets de ces parages, l'Épinette, la Nouvelle-Athènes et même le Rat-Mort ne venaient que bien après.
D'un quart de lieue, le soir, on voyait resplendir ses becs de gaz au plus bel endroit du boulevard Clichy, presqu'en face de la place Pigalle. C'est vers 1865 qu'il fut fondé, au rez-de-chaussée d'une maison neuve, par un certain Justus Putzenhofer, Prussien de naissance, qu'attiraient à Paris, prétendait-il, l'espérance de faire fortune et sa grande amitié pour les Français.
Sa femme, toute jeune encore, et un cousin, l'aidaient à qui mieux mieux dans son œuvre délicate d'achalandage.
Ce cousin, robuste Saxon d'une vingtaine d'années, laid à faire plaisir, mais d'une complaisance inaltérable, répondait au surnom d'Adonis.
Quant à Mme Justus, courte, rouge et dodue, elle pouvait passer pour appétissante, à la façon des sandwichs qu'elle étalait sur le comptoir et qu'elle servait avec la bière de Bavière.
Jamais gens ne se virent aussi prévenants que ces gens placides pour les habitués de leur établissement. Contenter le public était leur devise.
Élevait-on la voix? On voyait aussitôt Justus abandonner sa grosse pipe de porcelaine, et accourir d'un air inquiet, en demandant d'un accent impossible:
– Qu'est-ce? Qu'y a-t-il qui ne va pas?
Ce n'est pas lui qui jamais eût eu l'affreux courage de congédier un consommateur, quand sonnait l'heure de la fermeture des cafés.