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La Vie en Famille: Comment Vivre à Deux?

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Bernard Henri Gausseron
La Vie en Famille: Comment Vivre à Deux?

CHAPITRE PREMIER
DEUX MOITIÉS FONT UN ENTIER

Le lecteur qui nous a suivi bienveillamment dans le cours de ces études de morale pratique et familière, sait ce que nous pensons sur la question du mariage.1. Nous n'y revenons ici que comme entrée en matière et pour mémoire. Il serait, en effet, assez oiseux de rechercher les conditions de la vie heureuse à deux, si l'on n'avait, au préalable, acquis la conviction que ni l'homme, d'un côté, ni la femme, de l'autre, ne sont faits pour vivre seuls. Or cette vie à deux – homme et femme – c'est justement, avec toutes les différences, profondes et troublantes parfois, qu'y apportent les climats, les races, les religions et les degrés de civilisation, – le mariage.

Il y a deux manières bien tranchées de le considérer, ou plutôt d'en parler. Les uns y cherchent matière à raillerie, et, rééditant avec constance des plaisanteries et des satires aussi vieilles que l'institution, font de l'esprit ou de l'humour à bon marché. Les autres le prennent pour ce qu'il est, c'est-à-dire pour l'élément primordial et constitutif de nos sociétés.

Les premiers, d'ailleurs, ne s'en marient pas moins que les seconds.

Sans nous attarder aux plaisanteries et gausseries dont le thème général et les données ordinaires sont connus de tous, nous citerons, comme spécimen plus rare, une boutade d'Anglais atrabilaire recueillie dans le Spectator:

«Je ne trouve, dit l'écrivain, dans cette première partie du siècle dix-huitième, que deux couples qui aient réussi: le premier est un capitaine de navire et sa femme qui, depuis le soir de leur mariage, ne se sont plus vus du tout. Le second est un honnête couple du voisinage; le mari, homme d'un bon sens solide et un peu vulgaire, d'un tempérament paisible: la femme, muette.»

Ceci n'est donné que comme un fait d'observation. Mais la conséquence en découle tout naturellement, et l'on a vite fait de la formuler en loi.

«Est-ce qu'il y a du mal à aimer son mari?» demande, dans une comédie de la même époque, une jeune femme à l'indispensable marquis. Et le marquis de répondre: «Du moins, il y a du ridicule. A la cour, un homme se marie pour avoir des héritiers, une femme pour avoir un nom, et c'est tout ce qu'elle a de commun avec son mari2

Ces deux moitiés-là ont beau se rapprocher: elles ne sauraient évidemment constituer un tout. Une demi-poire et une demi-pêche ne feront jamais un fruit complet.

Un autre critique à prétentions moralisantes ne va pas jusqu'à nier que, dans l'union conjugale, l'homme et la femme ne se doivent l'un à l'autre. Mais il fait une remarque qui mérite d'autant plus d'être signalée qu'elle a été refaite plus tard par un des plus fameux théoriciens de l'avenir.

«Je n'ai point, dit-il, connu de mari qui ne fût plus ou moins touché de la mort de sa femme. Les plus impérieuses et les plus acariâtres sont presque toujours celles qu'on regrette le plus: on ne s'en console point. L'humeur et la patience des hommes ont vraisemblablement besoin d'être exercées. La perte d'une femme douce et compatissante ne laisse pas le même vuide3